L'anticipation du rattachement successoral
Lorsque le pacte concerne la succession de plusieurs personnes, l'article 25[1] commande toujours d'anticiper le rattachement et de se placer au jour où le pacte a été conclu. Mais, il invite à raisonner en deux temps. Il faut d'abord s'assurer de la recevabilité du pacte avant de déterminer la loi applicable à sa validité.
Dans un premier temps s'assurer que le pacte est recevable en application des lois qui se seraient appliquées à la succession de chacun des intéressés s'ils étaient décédés au jour où le pacte a été établi. C'est donc à une application cumulative des lois que le praticien doit de se livrer, ce qui le conduira à privilégier la loi la plus restrictive.
Remarque :
La recevabilité est une notion non définie par le règlement. A priori, elle se confond avec celle d'admissibilité. Il faut donc s'assurer que les lois en présence admettent le principe du pacte successoral.
Il faudra donc raisonner de la même manière que précédemment. En principe, il faut consulter la loi de la résidence habituelle de chacun intéressé.
Exemple :
Si le pacte est conclu entre deux conjoints dont l'un réside en Italie et l'autre en Allemagne, le pacte n'est pas recevable puisque la législation italienne n'en admet pas le principe.
Par exception, cette loi sera écartée si le pacte présente des liens plus étroits avec une autre loi (et ce de manière distributive pour chacun des intéressés).
Enfin, si les intéressés ou l'un d'eux a auparavant désigné sa loi successorale comme applicable à sa succession elle est également applicable à la recevabilité du pacte.
Une fois la recevabilité du pacte acquise, se pose la question de la loi applicable à la validité du pacte. Dans la mesure où il est impossible de trancher de manière arbitraire entre les lois précédemment identifiées car elles ont des titres équivalents à s'appliquer, le texte a opté pour une solution de compromis, en privilégiant le principe de proximité : « le pacte est régi par celle des lois visées au premier alinéa qui présente les liens les plus étroits ».
Selon les situations la loi applicable sera soit la loi de la résidence d'un des intéressés, soit la loi nationale d'un des intéressés, soit la loi désignée en application de la clause d'exception.
Attention : Quels éléments prendre en compte pour trancher entre les deux lois potentiellement applicables au pacte ? Est-il possible de prendre en compte des éléments postérieurs à la conclusion de l'acte ?
Si le pacte a été conclu en Allemagne entre un résident allemand et un résident autrichien : peut-on considérer que les liens sont plus étroits avec l'Allemagne ?
Si le pacte porte sur un patrimoine principalement situé en Allemagne : peut-on considérer que le pacte entretient des liens plus étroits avec l'Allemagne ?
Si postérieurement au pacte, le résident allemand s'installe en Autriche : peut-on considérer que le pacte entretient des liens plus étroits avec l'Autriche ?
Il est indiscutable que la mise en œuvre du principe de proximité est source d'insécurité et d'imprévisibilité des solutions et repose en grande partie sur les épaules du praticien. Cela devrait à l'avenir générer du contentieux, à supposer que les lois en présence conduisent à des résultats radicalement opposés sur le terrain de la validité.
Il existe toutefois un moyen de prévenir son application : il suffit pour cela que les parties au pacte procèdent à un choix de loi pour le pacte .
Attention : Mise en garde sur le risque de dépeçage du rapport litigieux
Le risque que le praticien, au jour de l'ouverture de la succession, ait à appliquer plusieurs lois est réel : la pluralité de personnes concernées démultiplient en effet les risques.
Et, alors que pour le testament et le pacte concernant la succession d'une personne, le choix de loi en matière successorale garantissait l'unité de loi applicable à l'acte à cause de mort et à la succession, il n'en va pas de même si le pacte concerne la succession de plusieurs personnes.
Exemple :
Un couple réside en France : l'un est autrichien, l'autre est allemand. Chacun des deux a par acte à cause de mort soumis sa succession à sa loi nationale. Il conclue un pacte successoral par la suite. La recevabilité du pacte doit être vérifiée en application des lois allemande et autrichienne. La validité du pacte sera soumise à celle de ces deux lois qui entretient les liens les plus étroits avec le pacte. A supposer qu'on considère que c'est la loi allemande : seul le de de cujus allemand verra le pacte et la succession soumis à la même loi. En revanche pour le de cujus autrichien, la loi allemande s'appliquera au pacte et la loi autrichienne à sa succession.