L'ordre public
Le principe
Aux termes de l'article 35 du Règlement[1],« l'application d'une disposition de la loi d'un État désigne par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public »
.
L'exception d'ordre public pourra ainsi être invoquée toutes les fois où l'application du droit étranger désigné par le Règlement conduit à un résultat qui porte manifestement atteinte à l'ordre public international du for.
Le professionnel du droit chargé de régler une succession, notamment en application d'un droit étranger (ou d'apporter son conseil lors d'une professio juris) devra ainsi s'interroger sur la compatibilité entre le contenu de ce droit et l'ordre public international du for, ce qui constitue indiscutablement une nouveauté et un défi.
Remarque :
L'ordre public international est nécessairement une notion fluctuante et susceptible d'évolution, de sorte qu'il ne peut être question de faire une liste exhaustive et immuable des dispositions légales étrangères dont l'application porterait atteinte à l'ordre public du for. Cependant, il ne fait guère de doute que certains principes doivent manifestement être protégés et conduire à ce que la loi étrangère qui y porte atteinte, soit écartée.
Le principe de non-discrimination
Il en est ainsi du principe de non-discrimination : une loi étrangère aboutissant à une discrimination entre successibles, en raison de leur religion, de leur nationalité, de leur sexe ou de leur naissance, sera très certainement écartée.
Ainsi, une loi étrangère qui évince totalement de la succession un enfant né d'une relation adultérine ou hors mariage, devra être écartée, en ce qu'elle porte atteinte à l'ordre public international d'un État membre, les états membres assurant l'égalité successorale entre les enfants, peu importe la nature de leur filiation.
La réserve héréditaire
Plus délicate est la question de la réserve héréditaire qui a fait couler beaucoup d'encre et qui n'est pas connu dans l'ensemble des États membres. S'il est certain, à notre avis, qu'une loi étrangère qui aménage différemment en termes de taux ou de nature, la réserve en faveur des descendants, ne serait pas regardée comme contraire à l'ordre public international privé, la position doit être plus nuancée lorsque l'application de la loi étrangère permet d'écarter purement et simplement un réservataire de la succession.
Dans cette dernière hypothèse, en particulier l'ordre public international français risque d'être opposé à l'application de cette loi, à tout le moins lorsque les liens avec la France sont étroits.
En revanche, si ces liens apparaissent distendus, tout en étant étroits avec l'État dont précisément la loi est applicable, l'ordre public ne devrait pas conduire à ce qu'elle soit écartée. La question est néanmoins ouverte...