Les lois de police

L'article 30[1] du Règlement envisage spécifiquement l'hypothèse des lois de police[2]. Il prévoit que, lorsqu'il existe des dispositions spéciales, dans l’État de situation de certains biens, instaurant des restrictions sur leur dévolution ou ayant une incidence sur celle-ci, elles sont applicables quelle que soit la loi applicable à la succession.

Exemple

Ainsi, en droit français, l'attribution préférentielle d'un bien, qui est une loi de police dans l'ordre juridique français, devrait être appliquée comme loi de police lorsqu'elle concerne un bien situé en France

  • En Allemagne, les lois de police les plus importantes en matière de succession sont les dispositions spéciales en matière de successions rurales. Ces dispositions figurent dans la « Höfeordnung » et dans les lois spéciales des Länder.

  • En Autriche, les dispositions du §14 de la Loi relative à la copropriété et au bail à vie (Wohnungseigentumsgesetz/WEG) contiennent d'autres règles contraignantes concernant la propriété immobilière commune de couples mariés et de partenaires enregistrés. Il en est de même pour le §14 de la loi sur les baux à loyer (Mietrechtsgesetz/MRG) s'appliquant aux appartements locatifs.

  • En Belgique, la loi belge prévoit certains cas de dévolution spécifique à l'égard de certains biens. C'est notamment le cas du droit de retour légal existant au profit des ascendants, qui permet le retour d'un bien donné par les ascendants à un descendant précédé sans postérité, pour autant que le bien donné se trouve en nature dans la succession de l'enfant en question. Les « souvenirs de famille » font également l'objet d'une dévolution particulière, tendant à assurer leur transmission entre les différentes générations au sein de la famille. Les souvenirs de famille sont les biens dont la valeur morale est prépondérante par rapport à la valeur patrimoniale, et qui présentent un lien étroit avec la famille du défunt.

  • En Croatie, selon la loi sur l'héritage, les ressortissants étrangers ont les mêmes droits que les nationaux. Il existe cependant des lois spéciales dérogatoires à cette règle notamment en matière de la propriété agricole, de la propriété des bois et des environnements protégés. Ces règles ne sont pas applicables aux autres ressortissants de l'Union Européenne.

  • En Espagne, il existe des règles spéciales de la succession concernant la transmission des droits sur les exploitations agricoles. La matière est notamment régie par la Ley de Modernizacion de Explotaciones Agrarias qui ne permet pas la division héréditaire des terrains rustiques quand cette division est contraire aux unités minimales d'exploitation agricole. Il y a également des restrictions dans la transmission des entreprises.

En outre, il existe des normes spéciales relatives à la succession des droits moraux d'auteur contenues dans la Loi sur la propriété intellectuelle et des règles qui permettent au testateur d'éviter la division de l'entreprise familiale avec la compensation en espèces au reste d'héritiers (art. 1056 C.civ.).

D'autres exemples de succession spéciale sont la succession des titres de noblesse et des normes forales à propos de la « troncalidad » qui déterminent l'attribution des biens dans la ligne familiale de leur provenance.

Il faut également faire attention aux règles spécifiques qui concernent les patrimoines spéciaux constitués en vue de la protection des personnes vulnérables et handicapées prévus par la Ley 41/2003, sur "el patrimonio del discapacitado".

  • En Estonie, il existe des restrictions en matière de la cession des parts sociales. Pour des sociétés à responsabilité limitée, le code civil prévoit qu'avec le décès du détenteur des parts, les parts sont transmises à ses héritiers légaux et que des clauses statutaires contraires ne sont valables qu'à condition de prévoir une compensation appropriée des héritiers.

D'autres formes d'entreprises peuvent également faire l'objet de restrictions.

Il existe en outre des restrictions en matière des revenus provenant d'une pension de retraite. Contrairement aux fonds qui ont déjà été versés au défunt, les valeurs immobilisées sont transmissibles. Deux possibilités se présentent désormais : les héritiers peuvent recevoir l'argent par le fond de retraite pour le diviser. Ils peuvent également remettre le fond à l'un des héritiers sans procéder à une division.

  • En Hongrie, il existe un cas de loi de police : en cas de succession de terrain agricole hongrois par testament, il faut examiner si l'acquisition du terrain par le légataire est possible en vertu des dispositions de la loi sur la circulation des terrains agricoles.

  • Aux Pays Bas, il n'existe pas de loi de police.

  • En Roumanie, des dispositions légales spéciales s'appliquent aux terrains situés en Roumanie. En principe, ces terrains ne peuvent pas être acquis par des personnes qui ne sont pas des citoyens roumains. Cependant, les citoyens de l'Union Européenne bénéficient des provisions légales favorables qui leur confèrent un statut similaire aux citoyens roumains.

Cette disposition conduit ainsi à un morcellement de la succession, alors même que l'un des principaux objectifs du Règlement est de permettre l'application d'une seule loi à l'ensemble de la succession.

C'est la raison pour laquelle son application doit être exceptionnelle, ce qui est aussi rappelé par le Règlement qui énonce en son considérant 54[3] que ces lois de police sont d'interprétations strictes et précise que les "« dispositions prévoyant une réserve héréditaire plus importante que celle prévue par la loi applicable à la succession »" n'entrent pas dans le champ d'application de ces dispositions spéciales.