Vers la conception de formes de relecture

Les chaînes éditoriales se positionnent comme des « système[s] de production documentaire cherchant à instrumenter des fonctions d'écriture numérique originales » (Crozat, 2012a[1]), tirant parti de la tendance technique du numérique pour automatiser la rééditorialisation.

L'usage de ces fonctions amène à démultiplier les formes documentaires (FE instables, FP interactives...), dont aucune n'est réellement adaptée à la relecture comme nous l'avons vu dans les sections précédentes. Cependant, le polymorphisme qui a permis d'obtenir ces formes à partir d'une même FG peut aussi servir à produire de nouvelles formes dédiées à la relecture. L'enjeu de notre recherche est alors de définir des stratégies de conception pour ces formes de relecture.

La rééditorialisation illustre à notre sens un cas de pharmakon, concept philosophique de Stiegler caractérisant l'ambivalence de la technique : « Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention : c'est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c'est une puissance destructrice » (Stiegler, 2012[2]). La rééditorialisation est effectivement dans un rapport pharmacologique vis-à-vis du document : elle a un rôle curatif vis-à-vis du clonage (usage massif du "copier/coller") qui a pour effets néfastes la redondance et l'oubli de la source (Crozat, 2012a[1]) ; mais ce faisant, elle devient un "poison" pour l'activité de relecture ; elle possède finalement, à travers le polymorphisme, un principe auto-curatif permettant de produire une énième forme dédiée cette fois-ci à la relecture.

Nous allons répondre à cette problématique en deux temps. Tout d'abord, l'état de l'art présentera trois fonctions d'aide à la relecture :

  • le différentiel, répondant au problème de l'instabilité ;

  • l'annotation, qui prend place dans la relecture de fond ;

  • la correction automatique, instrumentant la relecture de forme.

Nous chercherons ensuite à compléter cet état de l'art en proposant deux techniques pour la conception de formes de relecture :

  • la linéarisation, visant à résoudre le problème posé par l'interactivité ;

  • la tabulation, qui s'attachera à traiter le problème posé par la rééditorialisation dans le cas de la déclinaison.