Polymorphisme et formes documentaires

Le polymorphisme est défini par Crozat comme une « technique d'automatisation de la transformation du codage d'un contenu en un autre codage afin de remplir des objectifs éditoriaux différents » (2012a[1]). Il repose sur l'articulation entre différentes formes documentaires (ibid.[1]) :

  • Forme génératrice (FG). Il s'agit des ressources XML, dont la structuration logique (André et al., 1989[2]) est contrôlée à l'aide d'un schéma XML (DTD, RelaxNG...). Crozat souligne que cette forme n'a en général pas de vocation documentaire : c'est en effet parce qu'elle est abstraite qu'elle se prête particulièrement bien aux transformations (disponibilité manipulatoire).

  • Forme(s) d'édition (FE). La transformation de la FG consiste ici à rendre cette dernière modifiable via un éditeur XML. Le pluriel entre parenthèses laisse entendre qu'un même contenu puisse être édité via des FE spécialisées, par exemple une FE1 pour le contenu d'un module et une FE2 pour les métadonnées, les ressources, etc.. Un éditeur XML WYSIWYM permet de guider l'auteur à l'aide d'une interface de type "formulaire" en s'appuyant sur le schéma XML de la FG. Le paradigme WYSIWYM (Power et al., 1998[3] ; Van Deemter et Power, 2000[4]) permet ainsi un « compromis entre la posture essentiellement sémiotique du WYSIWYG et celle essentiellement logique de la programmation informatique » (Crozat, 2015b[5]).

  • Formes publiées (FP). La FG est finalement transformée (à l'aide de feuilles XSL) dans des formats de publication en vue de son interprétation par des lecteurs. Les différentes FP d'une même FG répondent à des logiques multi-supports et multi-usages. En particulier, une FP au format web est un document interactif.

Le polymorphisme est en tension avec la relecture. En effet, cette dernière suppose la capacité du document à être objectivé par le relecteur, ce qui selon Bachimont repose sur « le fait de pouvoir accéder à un exemplaire de référence, une version faisant autorité [...] » (2007, p. 172[6]). Or l'objectivation est impactée par le polymorphisme, tant du point de vue du lecteur que de celui de l'auteur :

  • Pour le lecteur : « L'individualisation du contenu a pour conséquence d'annuler le contenu comme objet pour n'en faire que le reflet de l'idiosyncrasie du lecteur : l'objectivation est annulée par l'adaptation du contenu. Au lieu de constituer un pôle d'identité et de référence auquel ajuster et confronter sa compréhension et appropriation, le contenu se dissout dans les multiples présentations à chaque fois différentes du contenu. Le lecteur ne peut plus se situer par rapport au contenu présenté et faire la part entre le contenu et sa présentation, ni rapprocher les différentes présentations possibles à un même noyau de sens. » (Bachimont et Crozat, 2004[7]).

  • Pour l'auteur : « La multiplicité des contextes d'usage et de supports de publication conduit l'auteur à un exercice complexe de navigation entre la structure canonique et le dossier des publications. L'expérience a montré que ni la structure canonique, ni aucune des publications prises isolément n'était suffisante pour que l'auteur objective son contenu qui n'existe que dans l'ensemble de ses mises en forme. Une question de confiance, y compris avec sa dimension irrationnelle, se pose en effet. Le besoin de validation de tous les supports de publication et non uniquement du document canonique est également porté par le fait que seuls ces documents "réels" permettent aux auteurs une projection dans les usages qui donnent corps à leur relecture. » (Crozat et Bachimont, 2004[8]).