Fragments de document et discours pragmatique

Objectif

Le domaine de recherche des TCAO s'est approprié le discours pragmatique et les conversations pour l'action de deux façons différentes : la perspective langage/action et les documents pour l'action. Nous proposons une approche exploitant ces deux propositions. Il s'agit de proposer une inscription du discours support à l'action dans le graphe documentaire, participant ainsi à la documentarisation de l'activité, et d'exploiter ces informations pour construire des fonctions d'assistance et de pilotage de l'activité telles que des tâches ou des conversations entre rédacteurs.

Le fragment pour l'Action

Rapporté au graphe documentaire, permettre l'instanciation et l'usage de documents pour l'action revient à modéliser, en fonction de l'organisation du ou des rédacteurs, des documents mobilisés comme support pour encadrer les actions sur le graphe.

Posons comme exemple théorique un rédacteur utilisant une liste de tâches pour organiser sa production. Au début d'une séquence de travail, le rédacteur effectue la liste des modifications sur le graphe qu'il souhaite opérer.

Modéliser un tel document dans une chaîne éditoriale est aisé. Nous proposons dans la figure 39 deux classes de fragments afin de rédiger ces listes de tâches.

Figure 39 : modèle d'une liste de tâches

Une instance XML d'un fragment de tâche pourrait alors être comme suit.

1
<?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?>
2
<tache>
3
  <intitule>Mise à jour de la procédure de fabrication Giant Burger</intitule>
4
  <description>
5
    Suite au changement des équipements de cuissons des steaks, la procédure de fabrication des Giant Burger doit être mise à jour. Le temps de cuisson passe de 9 minutes à 7 et l'entretien de la machine entre deux séries doit être modifié.
6
  </description>
7
  <echeance>13-10-2014</echeance>
8
  <avancement>Tache non démarrée</avancement>
9
</tache>

Dans ce modèle, les tâches sont agrégées dans des listes de tâches dont l'instance XML pourrait être comme suit.

1
<?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?>
2
<listeTache>
3
  <date>16-08-2014</date>
4
  <description>
5
    Liste des taches de maintenance avant le déploiement des nouveaux équipements en restaurant.
6
  </description>
7
  <tache refUri="tacheGiant.xml"/>
8
  <tache refUri="tacheSupreme.xml"/>
9
  <tache refUri="tacheSodas.xml"/>
10
  <tache refUri="tacheEntretien.xml"/>
11
</listeTache>

À ce stade, le principal apport de tels fragments consiste à réimporter dans la chaîne éditoriale l'activité documentaire mobilisée pour soutenir l'action. En faisant des liens dans chaque tâche vers le ou les fragments mobilisés, les fragments pour l'action s'intègrent pleinement dans le graphe documentaire. En consultant les fragments de type tâche ayant un lien vers un fragment à modifier un rédacteur pourra facilement consulter l'historique des tâches qui lui sont liées.

Figure 40 : fragments tâche et liste de tâche dans un graphe documentaire

Exploitations des fragments pour l'action

La manipulabilité offerte par le support numérique permet d'aller plus loin dans l'exploitation des fragments pour l'action. Au même titre que les environnements de développement intégrés comme Eclipse exploitent les commentaires pour instancier un moteur de tâches, il est possible d'utiliser ces fragments comme représentations informatiques de fonctions de support de l'action. On pourrait ainsi imaginer une fenêtre dédiée à la gestion de tâches dont l'affichage est construit à partir des fragments pour l'action comme illustré sur la figure 41. Toute interaction avec la vue ainsi proposée modifierait directement les objets documentaires.

Figure 41 : maquette - chaîne éditoriale avec liste de tâches intégrée

De nombreuses possibilités de modélisation et d'exploitation peuvent ainsi être réfléchies, il suffit pour cela de concevoir des fragments dont les informations enregistrées sont mobilisées par des fonctions dédiées à la gestion de l'activité.

Le fragment, entre production de documents et organisation de l'action

La notion de fragment pour l'action constitue une transposition du concept de Documents pour l'Action rapporté aux chaînes éditoriales numériques. Cependant cette délimitation entre fragments dont l'objet est la production de documents et fragments dont l'objet est le support de l'action n'a pas de raison d'être en tenant compte de l'unicité de l'objet considéré : un fragment de document encodé selon un schéma XML. En outre, cette distinction n'a pas nécessairement de sens au niveau des usages. Il peut ainsi être nécessaire d'ajouter des informations de support de l'action au cœur des fragments classiques. À l'inverse, les fragments pour l'action peuvent mobiliser des structures documentaires complexes et embarquer une partie de la documentation produite par une chaîne éditoriale.

Par exemple, les dossiers d'homologation rédigés par la société Quick permettent la mise en œuvre de nouvelles procédures au sein des restaurants. Les informations assistant l'action d'un tel document sont importantes pour déterminer son statut (par exemple, pour différencier un projet de nouvelle procédure d'une procédure validée et à respecter dans les restaurants). Ces informations sont publiées sur le pied de la page de garde des dossiers.

Figure 42 : pied de la page de garde d'un dossier d'homologation de Quick

Sur la figure 42, on distingue l'identité du rédacteur à gauche, le statut du document et la date de publication en bas à gauche, la liste des validations sur la droite - constituée de la nature des validations, des identités des experts ayant validé et des dates de validation - et de la date de la dernière modification en bas à droite. En remettant en perspective la production des documents d'homologation vis à vis de la maintenance du référentiel des normes et méthodes, on peut considérer un nouveau dossier validé comme une fiche de demande de maintenance du référentiel. La validation d'un dossier est en effet préalable à une mise à jour des procédures en usage dans les restaurants. Les dossiers d'homologation ont donc un statut hybride avec un premier objectif de production documentaire en soi et un second objectif d'organisation de l'activité documentaire sur le référentiel.

La notion de fragment pour l'action construite en opposition à des fragments documentaires classiques perd ainsi de son sens. L'enjeu est plutôt d'outiller des situations hybrides comme l'exemple des dossiers d'homologation de Quick où le support de l'action et la production documentaire sont intimement entremêlés. Nous proposons ainsi le concept de fragment pragmatique pour désigner ces fragments au double enjeu. En lieu et place de la distinction claire entre fragment pour l'action et fragment documentaire, les fragments pragmatiques peuvent être projetés sur un axe allant du support de l'action à la production documentaire. La place sur l'axe dépend ainsi de l'importance accordée à chacune des dimensions.

Figure 43 : axe du support de l'action à la production documentaire

Sur la figure 43, nous avons représenté quatre documents mobilisant des fragments pragmatiques. La liste de tâches est le plus proche du support de l'action, elle permet d'assister les rédacteurs dans leur travail journalier mais n'a pas d'enjeu de publication ni d'archivage par l'organisation. Nous proposons un second document appelé fiche de maintenance permettant à un rédacteur de faire la synthèse d'une opération de maintenance sur le graphe. Nous avons placé cette fiche relativement plus proche de la production documentaire car un système d'agrégation des fiches et de publication permettraient de constituer des rapports d'activités à exploiter par l'organisation. L'exemple du dossier d'homologation de Quick est plus proche de la production documentaire car son enjeu premier est la production de ces nouveaux dossiers. Il comporte en revanche un second enjeu d'assistance à la maintenance du référentiel comme évoqué précédemment. Le dernier exemple correspond aux ouvrages glosés d'Enaction Series. Dans ce contexte l'ensemble de l'activité est tournée vers la production documentaire. Les remarques des glossateurs ont la vocation de critiquer le contenu afin de le faire évoluer ou de donner un éclairage particulier à un lecteur. Dans ce contexte, c'est le processus éditorial de relecture qui vient rejoindre l'objectif de publication documentaire.

Modèles d'activité

La documentarisation de l'activité s'appuie sur des structures particulières insérées dans les fragments. Ces structures font partie intégrante du modèle exploité par les chaînes éditoriales. Nous proposons de distinguer le modèle documentaire tel qu'il peut être partagé par l'ensemble d'une organisation pour la production de ses documents, de modèles d'activité complémentaires enrichissant le modèle documentaire par des structures d'enregistrement de l'activité propres aux habitudes d'une équipe de travail donnée. Ces structures peuvent être stockées soit directement dans les fragments du modèle documentaire, soit en proposant de nouveaux fragments.