Dans les chaînes éditoriales
Les spécificités des chaînes éditoriales impliquent de réinterroger le processus de relecture tel que nous l'avons vu en révision professionnelle. Tout d'abord, l'automatisation de la mise en forme rend caduques la préparation de copie et la correction d'épreuves. En effet, la mise en forme est pensée en amont de la production documentaire, et de façon générique, lors de la modélisation de la chaîne éditoriale. À ce stade, la validation de la mise en forme se fait à partir de contenus de test ou d'un faux-texte ("Lorem ipsum..."), afin d'évaluer sa conformité par rapport à la maquette définie.
De plus, l'abandon du WYSIWYG fait émerger de nouvelles questions : que doit-on relire entre d'un côté les contenus fragmentés dans SCENARIchain, et de l'autre les contenus mis en forme ? Faut-il relire chacune des mises en forme possibles du contenu ? Par ailleurs, la relecture d'un document ayant un fragment F réutilisé plusieurs fois entraîne-t-elle la relecture de F dans chacun de ses contextes (les fragments liant F), voire des documents partageant ce fragment dans leur ensemble ?
Nous allons étudier le cas concret de l'IFCAM (Université du groupe Crédit Agricole) pour voir comment ces questions se posent en pratique.
L'IFCAM utilise un modèle documentaire similaire à Opale pour maintenir une base de 296 modules publiés aux formats web (e-learning) et papier. Ils sont mobilisés dans le cadre d'une formation diplômante (le CETCA) concernant quotidiennement plus de 3000 collaborateurs du Crédit Agricole, à raison de 15-20 modules par unité d'enseignement (chiffres de 2013).
Une à deux fois par an sont organisées des campagnes de mise à jour de ces modules, afin que les contenus soient conformes au cadre législatif (nouvelles lois de finance, etc.) et réglementaire. Ces mises à jour impliquent un réseau d'une cinquantaine d'experts métier, et sont réalisées en plusieurs phases :
les experts métier relisent les modules à travers une prévisualisation web, et utilisent le système de commentaires pour proposer des modifications (actualisation de chiffres, reformulations, ajout d'exercices, de ressources...) ;
une cellule de production (moins d'une dizaine de personnes) intègre les modifications dans SCENARIchain ;
les modifications sont relues par les experts lors d'une étape de validation.
Supposons maintenant que le choix se soit porté sur une relecture dans SCENARIchain. L'avantage de cette solution est de pouvoir prendre en compte des informations qui ne sont pas communes à toutes les mises en forme : par exemple, des contenus spécifiques au format papier, telles que des alternatives statiques aux contenus multimédias ; ou bien relevant exclusivement de la dimension auctoriale : typiquement, la réutilisation d'un contenu dans plusieurs documents, qui peut être une information utile au relecteur, n'est pas visible dans la mise en forme de ce contenu. En revanche, l'interface WYSIWYM et la fragmentation empêchent de relire le document dans sa matérialité propre : il ne sera pas possible, par exemple, de tester l'interactivité du site web, ou bien de vérifier la mise en page de la publication papier (absence de veuves et d'orphelins, etc.).
Au-delà de ces questions soulevées au niveau des chaînes éditoriales, il nous semble que c'est le document numérique dans son ensemble qui est réinterrogé par la problématique de relecture.