Le pragmatisme ou l'action du discours
Austin et le discours performatif
Austin est un philosophe Anglais de la première moitié du XXème siècle. Convaincu qu'une analyse ne pouvait démarrer par une simple énonciation de faits, il a développé toute une théorie d'analyse du langage ordinaire qu'il a nommé « Phénoménologie Linguistique »
(Austin, 1979[1], p. 130). À sa mort en 1960, ses articles et conférences ont été publiés sous la forme de trois ouvrages (ibid.[1] ; Austin, 1962a[2] ; Austin, 1962b[3]/1991[4]). Dans How to do things with words, Austin introduit la notion d'énonciation performative : une énonciation ne pouvant être considérée comme juste ou fausse et exécutant une action par sa simple locution. Il cite ainsi par exemple, l'énonciation « Oui, [je le veux] (c'est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime) »
ou « Je vous parie six pence qu'il pleuvra demain. »
(Austin, 1991[4], p. 41).
Dans ses dernières conférences (ibid.[4], pp. 109-162), Austin introduit la notion d'acte de langage. N'arrivant pas à établir un moyen efficace de déterminer si une énonciation est réellement performative ou affirmative, il propose une étude plus approfondie des éléments constitutifs d'un discours performatif. Il différencie ainsi l'acte de locution (le simple fait de dire quelque chose, par exemple : « tire sur elle »
(ibid.[4], p. 114)), l'acte d'illocution (la façon de prononcer des paroles, par exemple : « il me pressa (ou me conseilla, ou m'ordonna, etc.) de tirer sur elle »
(ibid.[4], p. 114)) et l'acte de perlocution (action réalisée en parlant, par exemple : « Il parvint à me faire (ou me fit, etc.) taire »
). De son propre aveu, dans sa douzième et dernière conférence sur le sujet (ibid.[4], pp. 151-162), Austin n'est toujours pas satisfait de la formulation finale des catégories d'actes.
Searle et les actes de langage
Searle reprend les travaux d'Austin et s'intéresse principalement aux actes illocutionnaires (Searle, 1969[5]). Il propose ainsi quatre actes de langage élémentaires : les actes assertifs pour une description du monde, les actes directifs pour une demande de modification du monde (par exemple, une demande ou un ordre), les actes promissifs pour une proposition de changer le monde (par exemple, une promesse ou une offre), les actes déclaratifs qui changent le monde par leur énonciation (par exemple, lorsqu'un maire déclare un couple marié) et les actes expressifs qui expriment un état psychologique et n'ont aucun impact sur le monde (par exemple, des excuses ou une prière).
Les conversations pour l'action
Winograd et Flores (Winograd & Flores, 1986[6] ; Winograd, 1986[7]) ont montré que les actes de langage n'étaient pas simplement utilisés de façon décorrélée les uns des autres pour énoncer une action unitaire pour chaque acte. Il est cependant fréquent qu'ils soient ajustés entre eux au sein d'un discours ou d'une conversation. Cet exemple de la conversation est structurant chez Winograd, qui le représente par le schéma représenté sur la figure 37.
Le schéma montre une conversation qui se déroule en parallèle de la réalisation d'une action. La lecture du schéma commence par l'état 1 dans lequel le locuteur A demande quelque chose au locuteur B. Chaque état représente une étape dans la discussion. Le passage d'une étape à l'autre se fait par l'énonciation d'un acte de langage. À la fin de la conversation, l'action parallèle a soit été accomplie (état 5) soit été annulée (état 6, 7, 8 et 9).